Si vous êtes abonné à notre newsletter sur la thématique du design (quoi ?! ce n’est pas encore le cas ?), vous le savez peut-être déjà : fin septembre, nous avons eu la chance de participer à l’événement Ethics by Design organisé par l’association Designers Éthiques.
Vu le contexte actuel, vous vous douterez que cette édition 2020 s’est déroulée en ligne… C’était pour nous l’occasion d’assister pour la première fois pendant une semaine à des ateliers et des conférences sur ce sujet qui nous passionne : “l’éthique” du design et plus particulièrement la conception responsable et durable du numérique.
Les conférences dans l’oeil de Tiphaine
Nous avons pu assister à des présentations très diverses où il était surtout question d’écologie, de numérique responsable, de sobriété... Par exemple une présentation très complète du Fairphone par Agnès Crépet et Alix Dodu, une explication du Systemic Design Toolkit par Sabrina Tarquini ou encore l’intervention du philosophe Tony Fry sur l’économie et le design.
La vision des futurs designers
Ce que j’ai préféré, c’était le format participatif avec des étudiants en design. En effet, quelques jeunes aux parcours différents ont expliqué comment ils définissent leur futur métier de designer et pourquoi ils se sont dirigés vers une démarche éthique. Ces interventions étaient très spontanées. Cédric, un jeune designer qui se définit comme “designer humanitaire” nous a raconté son parcours et comment il s’était retrouvé à faire du design sur l’île de Lesbos en Grèce qui accueille un grand nombre de migrants. Cette intervention a plus ou moins mené à la conclusion que les étudiants en design doivent être curieux et proactifs,aller sur le terrain et se forger leur propre éthique sans attendre que leurs formations les sensibilisent à cela (même si c’est leur rôle…). De plus en plus d’établissements qui forment les futurs designers abordent la question de l’éthique mais c’est encore trop timide pour l’instant.
L’éthique dans la conception des jeux vidéos
J’ai aussi adoré le talk de Célia Hodent qui nous a parlé des darks patterns dans les jeux vidéos. Sa présentation était vraiment captivante car elle faisait participer le public avec des petits jeux de mémoire et donnait beaucoup d’exemples concrets. Elle a passé en revue les sciences cognitives et nous a montré comment l’industrie du jeu vidéo “manipule l’attention des joueurs pour les aider à évoluer dans le jeu”.
C’était intéressant de se pencher sur les limites éthiques de ce design de l’attention dans le contexte du jeu. Je retiendrais cette phrase de Célia :
Le handicap comme levier d’innovation
Le dernier talk qui m’a beaucoup touché et inspiré était celui de Simon Houriez, directeur de l’association Signe de Sens, qui nous a parlé de l’innovation grâce au handicap. Il nous a présenté les personnes porteuses de handicap comme des “experts d’usage” : en effet il faut s’intéresser à la façon dont ils fabriquent des stratégies au quotidien pour utiliser des objets ou des services. Ils testent et améliorent jusqu’à obtenir une expérience satisfaisante pour eux. Le handicap peut être un levier d’innovation dans notre société : Utiliser les usages atypiques pour innover, cela dope la créativité et augmente la performance. Simon a parlé d’accessibilité et d’innovation par le handicap sans passer par un discours larmoyant, bien au contraire, c’était terriblement motivant et innovant. Je retiens cette phrase de Simon :
Les ateliers du point de vue de Noémie
Même si j’ai trouvé les conférences passionnantes, rien de mieux que de mettre les mains dans le cambouis pour approfondir le sujet. Voici un bref aperçu des 3 ateliers auxquels j’ai pu participer.
Prospective, déconstruire nos croyances pour inventer de nouveaux futurs grâce aux artistes et à la fiction
Cet atelier donné par Daniel Kaplan de l’Université de la Pluralité & Estelle Hary de Design Friction m’a permis de découvrir la méthode du Design fiction, qui consiste à explorer les implications d'évolutions futures. (Black Mirror, ça vous parle ?)
L’idée étant de rassembler des fragments de futurs imaginés et d’ensuite inventer l’évolution du monde vers un futur désirable ou au contraire catastrophique en fonction de ceux-ci.
Si le sujet vous intéresse, il existe beaucoup de documentation dessus.
Le label, une bonne solution ?
Ce workshop a été conduit par le collectif Demain sera_ qui interroge sur le rôle des designers pour tendre vers un futur souhaitable. Demain sera_ développe des outils pour “donner des clés d’actions“ et prendre des mesures concrètes dans les projets.
Nous avons tout d’abord fait le tour des labels existants (hé oui, il en existe déjà : B Corp, numérique responsable, ainsi que des normes iso : 9001, 26000, etc.).
Puis les membres du Collectif nous ont fait testé un de leur atelier, qui met en lien les objectifs “business” d’une entreprise ou d’un projet avec les Objectifs de Développement Durable (vous savez, ceux que l’on est censé atteindre en 2030...).
Comment penser et rendre applicable une déontologie pour les designers ?
Durant cet atelier mené par Marie-Cécile Godwin-Paccard & Karl Pineau de Designers Ethiques, nous avons eu la chance d’écouter et d’interroger des personnes d’autres métiers (avocats, médecins, etc.) dans lesquels il y a une déontologie très forte.
Grâce à leurs conseils, nous avons pu faire des parallèles avec notre métier de Designer. L’idée étant au final de rédiger une charte.
Pour information, il existe déjà des chartes (celle de Mike Monteiro, celle de l’Alliance française des designers, CHATONS, etc.). Les questions qui se posent sont “Comment faire pour que tous les designers se l’approprient ?”, “Doit-on, comme les avocats, “jurer” au moment de recevoir son diplôme ?”, “Que faire en cas de non-respect d’un des points ?”, etc.
Des questions intéressantes dont nous n’avons bien entendu pas pu répondre lors du workshop.
Ça vous a mis l’eau à la bouche ?
Pour voir les conférences en replay, ça se passe ici !
Et n’hésitez pas à suivre de prêt l’association des Designers Éthiques, qu’on remercie pour cette conférence ! On y reparticipera à coup sûr l’année prochaine.